Ma part de Gaulois

2016-08-17

Après deux recueils de nouvelles, Magyd Cherfi, ancien membre du groupe Zebda publie un récit d’autofiction. L’ouvrage reçoit un très bon accueil public et critique, avec respectivement plus de 50 000 exemplaires vendus et de nombreuses sélections aux prix littéraires. M.Cherfi revient dans ce récit sur son adolescence entre deux mondes. Lors des nombreuses interviews suivant la sortie de « Ma part de Gaulois », il dresse un constat amer sur le rapport qu’entretient la France avec ses immigrés, notamment maghrébins.

« Ce fameux roman français, dont nous parlent les Français, ils se le gardent pour eux. Il n’a pas été ouvert, ce roman. La Marche des beurs, la marche pour l’égalité, a complètement disparu de la mémoire collective, par exemple. Elle a disparu de l’histoire de France. Le droit de vote des immigrés ? Mitterrand le promet en 1981, il n’existe toujours pas. Là où la République et la gauche se sont plantées, c’est que ce droit de vote aurait dû être donné sans exiger de nos parents qu’ils deviennent français. Ils sortaient de la guerre d’Algérie. Mon père, par exemple, a perdu quatre frères durant cette guerre. Comment aurait-il pu aller embrasser le mur de la République, demander des papiers français ? Il aurait fallu de l’empathie républicaine pour les faire entrer en douceur dans ce pays, dans son histoire. Au lieu de ça, toutes ces impossibilités ont accumulé des rancœurs. S’il y a quelque chose qui se transmet bien, c’est la rancœur, et leurs vies d’échecs. Ils nous disaient : « Sois Français, mais ne le deviens pas… » Qu’on ait une place ici, oui, on ne vivra pas en Algérie. Mais… on ne lâche pas cette part de nous-mêmes. » (Source : L’Humanité 11/10/2016)

Résumé
C’est l’année du baccalauréat pour Magyd, petit Beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un événement sismique pour « l’indigène ». Pensez donc, le premier bac arabe de la cité. Le bout d’un tunnel, l’apogée d’un long bras de fer avec la fatalité, sous l’incessante pression énamourée de la toute-puissante mère et les quolibets goguenards de la bande. Parce qu’il ne fait pas bon passer pour un « « intello » » après l’école, dans la périphérie du « vivre ensemble » – Magyd et ses inséparables, Samir le militant et Momo l’artiste de la tchatche, en font l’expérience au quotidien.

Entre soutien scolaire aux plus jeunes et soutien moral aux filles cadenassées, une génération joue les grands frères et les ambassadeurs entre familles et société, tout en se cherchant des perspectives d’avenir exaltantes. Avec en fond sonore les rumeurs accompagnant l’arrivée au pouvoir de Mitterrand, cette chronique pas dupe d’un triomphe annoncé à l’arrière-goût doux-amer capture un rendez-vous manqué, celui de la France et de ses banlieues.

Avec gravité et autodérision, Ma part de Gaulois raconte les chantiers permanents de l’identité et les impasses de la république. Souvenir vif et brûlant d’une réalité qui persiste, boite, bégaie, incarné par une voix unique, énergie et lucidité intactes. Mix solaire de rage et de jubilation, Magyd Cherfi est ce produit made in France authentique et hors normes : nos quatre vérités à lui tout seul ! (Source : Acte Sud)

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